Lettre en français

10 décembre 2020

S.E. Muhammadu Buhari

Président de la République Fédérale du Nigéria

Villa Aso, Abuja

Nigeria

Cher Président Buhari,

En cette Journée Internationale des Droits de l’Homme, nous, signataires de cette lettre publique, exprimons notre consternation et notre indignation face à la réaction violente de votre administration suite aux manifestations pacifiques #EndSARS qui ont eu lieu en octobre dans tout le Nigéria. En pleine pandémie mondiale, votre peuple a cherché à apporter la paix et la justice sur ses terres, rendant l’Afrique et sa diaspora fières du peuple nigérian. Son action courageuse est le reflet de la dignité de nos Ancêtres et s’élève tel un noble phare guidant les générations futures. Pour la première fois de mémoire récente, le monde a vu des Nigérian.e.s de tous horizons, ethnies, religions, identités de genre, orientations sexuelles et classes socio-économiques se rassembler pour faire connaître les besoins communs de la population. Pourtant, leurs demandes pacifiques furent accueillies par la violence et une répression d’État, dont votre administration fut l’instigatrice en déployant une force injustifiée contre ses propres citoyen.ne.s non armé.e.s. Ce mépris flagrant pour la vie a été rendu plus évident encore lorsque l’armée a tiré et tué des manifestant.e.s le 20 octobre 2020 au péage de Lekki. Nous n’oublierons jamais cette date. Nous pleurons les victimes de cette attaque et pleurons avec leurs familles.

Ayant soutenu le mouvement Black Lives Matter aux États-Unis et au sein de toute la diaspora, nous ne pouvons rester silencieux.ses lorsque des atrocités similaires se produisent dans un pays africain. Nous exigeons le respect du peuple nigérian, d’autant plus qu’il agit en vertu de son droit constitutionnel de protester contre les injustices graves. En tant que Président de la république noire la plus peuplée du monde, vous assumez un rôle de chef de file sur la scène internationale. Le Nigéria compte. Nous n’attendons rien de moins que vous preniez soin de votre peuple, ainsi que de la réputation de votre pays. Comme vous ne sauriez l’ignorer, Président Buhari, le Nigéria est l’une des locomotives principales du continent africain. Ainsi, vos actions ont des répercussions et des implications exponentielles sur le continent africain et au sein de la diaspora africaine.

Par conséquent, nous vous demandons de prendre immédiatement les mesures suivantes :

  • Libérer tous les manifestant.e.s, militant.e.s et journalistes emprisonné.e.s. Leur libération doit s’accompagner de la restitution de leurs passeports et de toutes pièces d’identité gouvernementales confisquées, ainsi que de la restauration de leurs comptes bancaires gelés.

  • Faire répondre de leurs actes tous les officiers et membres du personnel de l’armée, de la sécurité et du renseignement reconnus responsables des meurtres ayant eu lieu au péage de Lekki le 20 octobre 2020, et dans tout le Nigéria tout au long des manifestations. Les donneurs d’ordre comme les exécutants de cette brutalité et de ces fusillades honteuses doivent être tenus pour responsables.

  • Autoriser une enquête transparente sur les décisions et actions ayant conduit aux meurtres survenus au péage de Lekki. Cette enquête devra être menée par des observateur.rice.s indépendant.e.s, spécialistes des droits de l’homme. En outre, les conclusions de cette enquête devront être transmises et diffusées par des médias nationaux et internationaux.

  • Lever l’interdiction de manifestations pacifiques dans tout le Nigéria pour permettre aux Nigérians d’exercer leur droit constitutionnel de manifester.

Président Buhari, vous devez suivre l’exemple de votre peuple. Nous vous exhortons à répondre à cet appel, non seulement en vertu des droits inscrits dans la Déclaration Internationale des Droits de l’Homme des Nations Unies, mais aussi en vertu des droits inscrits dans la constitution même de la République Fédérale du Nigéria. En tant que chef de l’État, vous êtes principalement responsable de la protection des droits constitutionnels de chaque citoyen nigérian. Il est primordial que vous respectiez la Charte Internationale des Droits de l’Homme et adhériez à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, ainsi qu’au Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO, une institution dont le siège est au Nigéria.

 

Les Nigérian.e.s méritent mieux.

L’Afrique mérite mieux.

Le monde mérite mieux.

 

Nous restons uni.e.s dans notre appel à la justice jusqu’à ce que la vie de toutes les personnes Noir.e.s comptent dans le monde.

Cc. L’Ambassadeur du Nigéria aux États-Unis, Sylvanus Adiewere Nsofor

      Les Ambassadeurs nigérians au G20

      Le Président de la République d’Afrique du Sud et Président de l’Union africaine, Cyril

      Ramaphosa

      La Présidente de la République du Ghana et Présidente de la Communauté Économique

      Des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Nana Akufo-Addo